9 janvier 2020
Les micro-machines ne vont pas détrôner les centres d’usinage
Afin de bien saisir le taux de pénétration ou d’acceptation des micro-machines, la rédaction du MSM s’est rendue chez plusieurs leaders, fabricants de machines-outils pour en savoir plus sur ces machines révolutionnaires et le danger qu’elles représentent face aux centres d’usinage classiques.
Propos recueillis par Jean-René Gonthier, rédacteur en chef MSM
Interview exclusive avec Olivier Haegeli, directeur adjoint de Willemin-Macodel SA.
Olivier Haegeli
MSM :
Avez vous l’impression que les micro machines vont à terme prendre le pas sur les centres d’usinage traditionnels ou pensez-vous qu’il s’agit uniquement d’une mode passagère ?
Olivier Haegeli :
Aucune de ces deux architectures ne va prendre l’ascendant sur l’autre, elles vont cohabiter et se compléter. D’une part, l’industrie de la machine-outil est fortement marquée et influencée par les grands acteurs, l’automobile, l’aéronautique et dans une mesure nettement plus faible, le médical. Nous pouvons nettement distinguer ces influences sur les produits et architectures présentés par les constructeurs. D’autre part, nous voyons une tendance irréversible vers la miniaturisation des composants : gains de matière, de place, de bruit. A cette miniaturisation s’est notamment ajoutée la prise de conscience écologique. Les produits doivent proposer plus fonctionnalités et de performance dans un volume toujours plus réduit. Ceci nécessite l’adaptation de outils de production et d’assemblage vers le concept de la machine compacte étant donné que dans le domaine du micro, les notions de masse, raideur, force prennent une toute autre dimension que dans le domaine du macro.
MSM :
Est-ce que la surface au sol restreinte et l’énergie utilisée sont à votre avis des aspects importants dans la décision d’achat ?
Olivier Haegeli :
Dans l’arc des microtechniques, l’empreinte au sol est évidemment un argument important auquel les utilisateurs finaux sont sensibles. La même sensibilité n’est pas encore totalement perceptible sur le plan de l’efficience énergétique. Tout le monde est encore habitué à voir des machines avec une puissance installée de 20 kW. Mais c’est en train de changer et tout va aller en s’accélérant. Là, nous sommes prêt. Il y a 6 ans, lors de la présentation du centre d’usinage 701S nous avions comparé sa puissance réelle consommée avec celle d’un sèche-cheveux. Cela a visiblement marqué les esprits !
MSM :
Pourrait-on qualifier votre machine 701S de centre d’usinage compact ou de micromachine ? En va-t-il de même pour la 308S en principe réservée au secteur dentaire ?
Olivier Haegeli :
Bien que leurs architectures ne soient pas du tout comparables, les deux machines méritent le terme de machine compacte. La machine 308S a été remplacée par la nouvelle 308S2 avec notamment des performances augmentées. Le marché dentaire n’est pas sa cible. La 701S est basée sur une architecture parallèle caractérisée par un ratio entre la masse statique et les masses embarquées de plus de 300, ce qui lui confère des performances inégalées en accélération (5 g) et suivi de trajectoire à pleine vitesse (moins de 0,2 um à 72 m/min.). Le terme de machine compacte est donc plus en accord avec les performances atteintes que micro-machine qu’on a plus tendance à associer à un jouet pas encore exploitable industriellement.
Une cinématique parallèle tel est le concept de la 701S.
C’est le premier centre d’usinage à véritablement exploiter
la dynamique et la rigidité qu’apporte la cinématique de type delta.
MSM :
Allez-vous à terme proposer d’autres micro machines avec d’autres fonctions tels que tour, fraiseuse, découpeuse/textureuse laser, EDM ou autres ?
Olivier Haegeli :
Tout d’abord je soulignerai que le centre d’usinage 701S réalise aussi des opérations de tournage. Pour le reste, bien qu’il faille toujours rester très ouvert, la priorité est déjà de maintenir notre forte position parmi les leaders du marché qui nous occupe.
MSM :
Le marché est-il déjà prêt pour accueillir largement ce type de machines compacts avez-vous l’intention de continuer la R&D dans ce secteur ?
Olivier Haegeli :
Le marché est là et prêt pour ce type de machines à conditions que les performances soient à la hauteur et que le niveau d’industrialisation et de robustesse soit en accord avec les attentes des clients finaux. La R&D continue. La motobroche que nous avons développée pour la 701S atteint 80’000 t/min. mais à l’avenir il sera nécessaire de tourner encore plus vite. Un exemple très simple : une vitesse de coupe de 60 m/min avec un outil de 0.2 mm de diamètre nécessite déjà une broche qui tourne à 100’000 t/min ! On voit immédiatement les implications lorsqu’on voudra atteindre des performances de 180 m/min avec une micro-fraise de 0.1 mm.
MSM :
Verra-t-on bientôt surgir une nouvelle machine Willemin-Macodel capable de fabriquer en 3D ? ou est-ce définitivement trop loin de votre corps de métier ?
Olivier Haegeli :
Nous nous intéressons de très près à la fabrication additive…
MSM :
Avez-vous intégré dans vos solutions d’usinage les aspects contrôle dimensionnelle et contrôle d’état de surface au sein même de la scène d’usinage ou à proximité ?
Olivier Haegeli :
Dans le cas de la machine 701S, capable de travailler à pleine vitesse en garantissant des suivis de trajectoires et précisions submicroniques, la capabilité machine et la capabilité du processus sont plus grandes que la capabilité d’une
machine à mesurer 3D. En conséquence, on ne va plus tout mesurer. On ne se concentre plus sur les dimensions absolues mais uniquement sur les variations qui sont en plus des phénomènes souvent prédictifs. Ceci change complètement la donne ! Nous avons développé sur la machine 701S une prise de mesure de très haute résolution exploitable en cours de production permettant d’une part la prise de référence d’une pièce et d’autre part la saisie dans toutes les directions de l’espace de travail de variations dimensionnelles. Une simple tige montée en broche permet l’acquisition des valeurs par l’exploitation de la très haute résolution des règles de mesure associée à la dynamique élevée de l’asservissement et aux faibles masses en mouvement.
MSM :
Que proposez-vous pour le chargement et le déchargement des pièces ainsi que le changement et le contrôle d’état des outils ?
Olivier Haegeli :
La machine est équipée de base d’un bras changeur de palettes associé à un magasin tampon de 12 positions. Ce tampon peur être réapprovisionné par nos propres solutions d’automation, robot poly-articulé stationnaire ou sur axe linéaire. Nous proposons également des solutions basées sur des robots mobiles collaboratifs. Cette solution totalement ouverte offre des possibilités extrême en terme de flexibilité spécialement dans des modes de production en kit, solution mise en oeuvre en clientèle. Concernant le contrôle de l’état des outils, la machine est équipée d’un contrôle dimensionnel qui permet de d’acquérir dynamiquement le diamètre de l’outil avec son faux rond résiduel, la longueur ainsi que la géométrie de l’arête de coupe. Ce dispositif basé sur la vision est très performant en absolu mais également carrément redoutable dans la variation. Il permet par conséquent de caractérisé toute modification de l’arête de coupe et, couplé à un correcteur d’outil dynamique, de garantir sur toute la durée de vie de l’outil un usinage précis sans avoir à mesurer chaque pièce.
MSM :
Pouvez-vous évoquer l’exemple de l’un de vos clients Vaucher Manufacture ayant intégré une rue complète de production avec des 701S ? Quels sont les retours du client sur cette nouvelle façon de produire ?
Olivier Haegeli :
Les retours sont avant tout axés sur la flexibilité de la cellule de production et la possibilité de s’intégrer dans une chaîne de processus. C’est un nouveau schéma caractérisé par une gestion plus dynamique des flux de production.
De façon générale, la clientèle concernée relève le niveau de précision hors du commun de cette machine ainsi que sa parfaite capabilité.
Une ligne complète de production dotée de trois
unités 701 S à géométrie delta.
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